Frédérique Entrialgo, Ronan Kerdreux, Textes – Publications – Conférences
18 décembre 2009AGuiraLaisser un commentaire
Mai 2007
Frédérique Entrialgo est professeur à l’école supérieure des beaux-arts de Marseille, doctorante en sciences de l’information et de la communication, membre de l’équipe de recherche insARTis.
Ronan Kerdreux est designer, professeur à l’école supérieure des beaux-arts de Marseille, membre fondateur d’insARTis.
Contexte de travail
Le présent document constitue une synthèse du déroulement, des attendus ainsi que les conclusions et les perspectives d’une réflexion menée pendant trente mois, issue de la rencontre d’une cinquantaine de personnalités, créateurs, professeurs ou chercheurs. Ces rencontres riches et diversifiées nous ont permis d’approcher des situations de création ou de recherche multiples, envisagées selon des points de vues individuels spécifiques, des méthodes et des terminologies très différentes, voire contradictoires. Sans souci d’exhaustivité, elles nous ont permis d’envisager des situations toujours singulières au sein de contextes multiformes, selon la localisation par exemple, France, Canada, Hollande, Belgique, Suisse, Tunisie, selon le contexte institutionnel également, agences privées, écoles d’architecture, écoles des beaux-arts, écoles polytechniques, laboratoires de recherches et quelques personnes qui traversent toutes ces situations (Jean-Claude Risset ou Kas Oosterhuis par exemple), selon la nature des compétences bien-sûr, architectes, designers, artistes, ingénieurs, puisqu’il s’agit là de nos principales préoccupations.
Les auteurs : InsARTis est une équipe de recherche jeune, installée sur trois établissements d’enseignement et de recherche de Marseille, l’École Nationale Supérieure d’Architecture, l’École supérieure des beaux-arts, l’École Polytechnique universitaire. Les membres d’InsARTis sont au nombre de quinze, tous professeurs et pour la plupart impliqués dans l’organisation et la mise en œuvre de contextes pédagogiques au sein desquels la rencontre et le dialogue entre étudiants d’origine complémentaires constituent un lieu d’expérimentation et d’analyse. Ces situations cognitives constituent le cadre de l’attention portée à l’impact des technologies numériques sur le projet, ou encore aux situations de projet en grandeur réelle. Il ne s’agit pas, cependant, de construire un enseignement qui soit un calque des situations professionnelles, mais d’éclairer sa nécessaire dimension prospective et expérimentale d’une connaissance empirique de ce qui se joue simultanément dans les agences.
Par ailleurs et en parallèle à cette réflexion, l’équipe d’InsARTis
s’est construite autour d’un esprit de proximité et d’une intention de
durabilité, ce qui a conduit ses membres vers d’autres chantiers,
constitution d’une culture d’équipe par exemple, mise en place d’un
rythme de rencontres régulières, de systèmes de communication internes,
prochainement externes.
Tel qu’il est, ce document reflète tout ceci à la fois, et sans doute
aussi, le plaisir permanent de la rencontre, du dialogue, qui comme nous
le pensons, rend chacun plus compétent dans son domaine.
Matériellement, il reste une ossature, un schéma qui devrait être lu
avec les documents complémentaires nécessaires, actes des séminaires,
banques d’images, visite des sites web…
Plusieurs groupes d’étudiants sont réunis pour faire des propositions d’aménagements et de constructions liées à la projection de lignes de « bateaux-bus » à Marseille. Le programme est précis, de plus en plus précis, complété, le site examiné, parcouru, arpenté. L’hypothèse de fonctionnement, l’attrait du mode de déplacement, les infrastructures nécessaires sont précisés, pondérés, documentés. Sauf que le problème est ailleurs, dans une question autour des qualités possibles d’urbanité d’un site portuaire, dans une rencontre entre la ville stratifiée et le port industriel où toute construction est amenée à être déplacée, comme une chaîne de production industrielle évoluant en permanence. Où est la ville, quelle est la forme urbaine opératoire ?
Workshop bateau-bus, organisateur Stéphane Hanrot. Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Marseille. Seconde session, janvier 2007. Travail en équipe – étudiants en architecture et étudiants en design – Multiplicité des outils mobilisés pour le projet.
Les pratiques du projet
Les approches de la création sont plurielles, elles sont en particulier
balisées d’expériences, d’essais, de remords. Bien sûr le regard que
nous portons sur le monde est une clé d’entrée en la matière. Mais
au-delà, le procédé du projet répond à des règles, des méthodes, des
pratiques, quelque fois hétérogènes, quelques fois rationnelles, souvent
hasardeuses, voire polémiques qui nous conduisent à prendre parti, en
somme à se ranger d’un coté de la pensée en une tentative pour ordonner,
articuler, mettre en valeur, bousculer. Nous les appellerons dans un
premier temps « les pratiques du projet ».
Les architectes italiens, parfois, parlent de « faire projet » pour
mieux comprendre un site, un espace donné, ce que nous nommerons
provisoirement un « petit paysage », c’est-à-dire un ensemble d’éléments
dont la lecture s’opère par le biais de liens opératoires entre eux.
Opératoires pour le regardeur, pour le lecteur de paysage, puisqu’il est
vrai que face au même site (la dimension matérielle quantifiable et
cartographiable) chacun opère une construction mentale à partir de sa
culture, ses intérêts, ses savoirs, et « projette » ainsi son propre
paysage. Faire projet pour les architectes, s’accompagne souvent de la
mise en oeuvre d’un processus codifié qui possède ses phases définies,
par ambitions et hiérarchie des enjeux, par échelles et par précision.
Pour autant, le mise en oeuvre de ce processus ne suffit évidemment pas à
faire projet.
Le design consiste lui-aussi à donner formes et sens au monde matériel
qui nous accompagne dans notre quotidien. Il in-forme les espaces que
nous parcourons, il oriente notre environnement, il qualifie les objets
dont nous nous entourons. A ce titre, il tente une synthèse entre
positionnement contextuel, imagibilité, lisibilité, présence ou/et
autonomie plastique. Parce que le site, l’ancrage physique du projet est
moins prégnant, du moins certaines fois, faire projet pour un designer,
c’est souvent re-définir le cadre, le contexte, quelque fois en sortir,
à la recherche du point de vue juste qui autorise à construire du réel.
En somme cela consiste à re-construire le programme par la pensée et la
culture, et à définir le point de vue depuis lequel on va projeter.
Pour l’ingénieur, le projet passe avant tout par l’analyse, analyse d’un
problème défini, qualifié, puis élaboration d’un cahier des charges qui
permette d’envisager un modèle ou une solution fonctionnelle et
fonctionnant.
Dans tous les cas de figure, il s’agit d’élaborer, de constituer un
univers propre mais partageable au sein duquel le point de vue et la
proposition trouvent à la fois place et pertinence.
L’artiste se situe un peu à part, en cela que sa position n’est pas de
produire du réel, mais d’expérimenter le réel, de pousser ce dernier
jusqu’à ses contradictions propres, « de produire une réponse réactive
au monde ». C’est l’espace de l’expérience, celle qu’un regardeur va
vivre en se confrontant à une proposition plastique dont la nécessité
est intrinsèque à l’objet – espace – installation même.
Miguel Chevalier : Ultra-nature, 2004, création logiciel
Music2eye. Simulation. Installation de réalité virtuelle interactive.
Central Station Oslo (Norvège).
L’idée était de transformer le couloir du métro d’Oslo en un « jardin
virtuel » dans lequel les voyageurs ont découvert des plantes et de
fleurs virtuelles, qui poussaient chaque jour en temps réel.
« Ultra-Nature » était une installation interactive de réalité virtuelle
projetée de part et d’autre du couloir sur une longueur de 20 mètres
par 1m35 de hauteur. Ces fleurs et ces plantes virtuelles se courbaient à
droite ou à gauche comme des sortes de révérences aux personnes qui
marchaient dans ce couloir/galerie. Cette interactivité avec le public
était possible grâce à 16 capteurs infra rouge disposés tout au long de
l’espace (voir schéma ci-dessous). Pour réaliser cette œuvre
« spectaculaire », il fallait 6 vidéoprojecteurs de chaque coté, reliés à
3 ordinateurs, soit au total 12 vidéoprojecteurs et 6 ordinateurs.
Bien-sûr, tout cela est extrêmement simplificateur, voire caricatural, mais pour ce qui nous concerne ici, l’enjeu est ailleurs. Il est dans la coopération de ces pratiques, non pas dans une transversalité qui ne fait plus débat, mais dans une culture commune du projet, qui permette expériences, découvertes, et porosité des frontières. Nous nommerons cela, là aussi provisoirement, une « trans-culture du projet », c’est-à-dire un espace au sein du projet où les cultures se recouvrent entre elles.
Les technologies de l’information et de la communication
Il est actuellement de l’ordre de la banalité de dire que les technologies de l’information et de la communication sont partout, de l’ordre de la banalité et de l’argument inutile. Par contre, cette omniprésence présente quelques éléments clés qu’il est utile de mettre en perspective en ce qui nous concerne. Afin d’aller droit au but, nous retiendrons ici uniquement quelques éléments décisifs dont l’impact sera déterminant pour ce qui suit.
Les processus, démarches productives ou planificatrices sont amenées à
abandonner leur éventuelle linéarité, au profit d’une nécessaire
ré-évaluation permanente du processus en train de se faire, en somme
d’intégration du feed-back à tous les niveaux d’action. Cela est à
mettre en relation avec les évolutions de la supply chain management industrielle, qui intègre le profil consommateur (le one-to-one)
comme une donnée spécifique et déclencheuse de la production et la
modification des entreprises cognitives, qui progressivement concentrent
leur savoir-faire sur des données clients et des notoriétés-logos, en externalisant la production.
A l’image des systèmes hypertextes qui l’entourent, l’individu est
aujourd’hui un croisement entre des évolutions sociales, dont les
données sont fluctuantes, d’échelles différentes et d’aires
géographiques hétérogènes, et une spécialisation croissante, une
mobilité professionnelle croissante, une capacité à intégrer
provisoirement et simultanément des systèmes référentiels divers.
L’environnement cognitif et professionnel des individus en situation de
projet se modifie aujourd’hui sous l’influence notamment des capacités
de communication et de traitement de l’information dont il dispose,
permettant tout à la fois l’ubiquité, la simultanéité et le temps décalé
Hypothèses
1- Il nous semble qu’il y a une distance de plus en plus grande entre
l’identité sociale des créateurs et les objets qu’ils contribuent à
produire. Nous supposons que l’accroissement de cette distance peut être
le signe d’une évolution des modalités de représentation de l’identité
sociale qui se traduit par un glissement d’une identification résolue en
termes de territoires traditionnels des disciplines (aujourd’hui en
partie désuets) vers une différentiation opérée en fonction des objets
produits. Autrement dit, cela signifie que le processus d’objectivation
des champs de compétences tend à s’inverser : au lieu de prendre le
domaine disciplinaire comme lieu d’identification des objets produits,
il se saisit d’abord des objets produits comme facteur d’identification
des compétences. Cela voudrait dire concrètement que la notion de
discipline ne serait plus opératoire et devrait être remplacée par celle
de méthodologie ou de méthodes d’approche des problèmes et des
questionnements.
2 – Au sein de ce processus, le rôle ou l’impact des technologies
numériques ne peut pas s’envisager en terme de causalité : elles ne sont
pas déterminantes sur ce point. D’une certaine manière, c’est l’époque
qui engendre et valide cette évolution. Par contre, nous supposons que
les technologies numériques amplifient ou servent cette évolution Leurs
propriétés intrinsèques ont un double impact sur les méthodes
d’élaboration des projets. Elles autorisent et engendrent d’une part, de
nouvelles hybridations, que nous supposons repérables soit au sein des
frontières ou des limites des champs disciplinaires, soit dans la
rencontre entre compétences complémentaires. Elles interviennent d’autre
part sur la méthode, en accompagnant le passage d’une méthode par
étapes ou planificatrice au profit d’une méthode par objectifs, ce que
François Asher appelle des « démarches heuristiques, itératives,
incrémentales et récurrentes », c’est-à-dire des procédés d’élaboration
qui, en même temps, élaborent des hypothèses et les testent, par une
série de réalisations partielles, précautionneuses, utilisant le
feedback comme la source d’une ré-actualisation permanente.
EZCT Architecture et Design Research – Imbrication des sciences et des technologies, en particulier sur les relations entre calcul et architecture.
Situations de projets entre « professions » complémentaires
Identité sociale contre méthodologie spécifique
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D’une manière ou d’une autre, insARTis génére ou innerve fortement
plusieurs espaces pédagogiques, tant pour des raisons d’expérimentations
et de mise en place de situations objets d’études que pour des raisons
de rapprochements thématiques et méthodologiques entre des membres de
l’équipe du fait de leur collaboration.
Master professionnel IPB (Ingéniérie de la Production de Bâtiments) –
Farid Ameziane – Jean-Michel Olive – Etudiants diplômés architectes et
ingénieurs – Un an (plein temps) – Diplôme spécifique.
Enseignement de projet « un pont habité » – Farid Ameziane, Ronan
Kerdreux – Etudiants de S7 – Durée un semestre, ponctuel – Octobre
2004-Février 2005
Workshop « mobilier urbain » – Farid Ameziane, Marc Aurel, Ronan
Kerdreux, Michel Vienne avec l’entreprise Jean-Claude Decaud – Etudiants
de S8 issus des écoles d’architecture et des beaux-arts – deux
semaines en continu, ponctuel – Juillet 2005
Workshop « bateau-bus » – Stéphane Hanrot – Etudiants S7 et S9 issus des
écoles d’architecture et des beaux-arts – Deux semaines en continu,
renouvelées annuellement – Equipes communes
Atelier de Recherche et de Création et Enseignement optionnel « Flotter :
une plage, au large » – Bernard Boyer et Ronan Kerdreux (Didier
Dalberra, Philippe Delahautemaison)- Etudiants S5 issus des écoles
d’architecture et des beaux-arts – Durée un semestre, renouvelé
annuellement – Apprentissages d’outils communs et projets
« cote-à-cote ». Mise à niveau effectuée par Jacques Zoller.
Studio Lentigo – Marc Aurel, Ronan Kerdreux, Cécile Liger, Fabrice
Pincin – Studio pour les étudiants issus de l’école des beaux-arts,
enseignement optionnel pour les étudiants issus de l’école
d’architecture (S5 et S6) et de la formation permanente (Profil IV) –
Fonctionnement semestriel, renouvelé chaque semestre – Selon les
semestres, travail individuel « cote-à-cote » et travail par équipes.
Workshop « céramique et innovation » – Sousse, Marseille, Florence,
Naples – Marc Aurel, Ronan Kerdreux – Deux semaines en continu mais
disjointes entre elles – Travail sur place et à distance.
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L’observation de situations de projet diverses, expériences
pédagogiques initiées par les membres d’insARTis, au sein desquelles les
approches et méthodes d’étudiants d’écoles différentes ont été
confrontées ou mises en commun, projets urbains, projets communs, nous
ont montré, de manière réitérée, que la notion d’identité sociale, telle
que nous l’avons définie au préalable, n’est pas neutre. Pour autant,
cette association entre profession et production n’est pas opératoire
sur le plan concret. Des architectes peuvent concevoir des meubles,
certains designers des espaces, et la pensée méthodologique proposée par
des ingénieurs n’est pas déconnectée du projet, elle le façonne en en
formulant les attendus, méthodes, vocabulaires dans certains cas.
De fait, le seul point solide dans cette complexité est le contexte, la nature et les attendus de l’objet produit.
Nous supposons que la distinction entre architecte et artiste par
exemple est de l’ordre de la méthode d’élaboration du projet. Mais là
aussi, les frontières évoluent, du fait du moment et du fait des outils.
Kas Oosterhuis revendique une approche extrêmement formelle de la
conception architecturale. Les outils de type modeleurs lui permettent
de faire évoluer plastiquement les enveloppes de bâtiments par exemple,
pour les adapter après-coup aux exigences du programme et du site. Il
revendique une conception de volumes habitables sur la base des
articulations entre grands éléments du programme et usages de fait, et
refuse la précision préalable.
Sous le même angle, l’atelier de Michel Vienne et Alain Staquet à
Institut d’Architecture Lambert Lombard de Lièges propose aux étudiants
de réfléchir à la qualité des espaces, leur articulation formelle, le
vocabulaire employé avant d’en préciser les fonctions urbaines et de
figer des usages fonctionnels.
Profession contre engagement, savoir-faire contre compétence
Dans cette situation fluctuante, peut-être provisoire, les territoires d’expérimentation évoluent, se déplacent, s’élargissent. Les champs de compétence se modifient au contact de concepts, de modèles et quelquefois d’outils de plus en plus transversaux, qui resserrent les points de convergence. Les frontières s’estompent, des appropriations de territoires apparaissent (nous pensons par exemple à l’irruption des paysagistes dans le domaine du design urbain ou des éclairagistes urbains sur le même domaine). De nouvelles compétences se font jour, comme résultats d’engagements individuels prédéfinis ou expérimentaux, avec deux objectifs que nous avons pu identifier : saisir les opportunités offertes par les technologies numériques, à titre d’outils ou de métaphores et pallier l’absence ou l’obsolescence des infrastructures liées à la production, la médiation et la communication des composants ou de la globalité d’un projet. Dans sa conformation, ses productions et leurs processus, le groupe Lab[au] témoigne d’une situation singulière mais sans doute précurseur sur les deux points.
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Edition du livre « liquid space » 360°
Liquid Space 360° a été édité à l’occasion des deux premières sessions
d’une série de workshops, les « Liquid Spaces » 01+02 (Séoul, 2003 –
Bruxelles 2004), menés, avec l’implication de plus de trente artistes,
sur le thème de la spacialisation audiovisuelle. Conçu comme un
catalogue hypertextuel (livre + DVD), son concept repose sur la
retranscription en 2D des dispositifs élaborés pendant les workshop qui
mettent en jeu des systèmes de vision à 360°, la quadriphonie et le
temps réel.
Désigné comme un objet de « para-métadesign », la conception du
livre répond à l’approche méthodologique qui qualifie le travail du
groupe : 4 chapitres, 4 couleurs, celles de l’impression (cmyb), des
entrées et des lectures multiples selon le paramètre choisi (chapitres,
indexation par artiste, mot clé, date, durée, repérage par
pictogrammes, palette de couleurs comme code, petite galerie synthétique
d’images-vignettes), pour un livre qui se déploie dans l’espace, qui
engendre donc plus qu’il n’est, autour d’un axe vertical, sur lequel
est clipsé un CD lui aussi repéré par les 4 couleurs d’impression et sa
durée (« 1 dvd + 36 CMYK pages = 360° [ C=90°, M=90°, Y=90°, K=90°] =
36min. of video »).
Comme pour la plupart des travaux de Lab[au], la question des paramètres
est une question centrale : il s’agit de d’identifier les paramètres
principaux, puis de les associer voire de les remplacer par d’autres.
Groupe Lab[AU]- Bruxelles
Lab[AU] est fondé en 1997 sous l’impulsion d’un groupe d’architectes (Manuel Abendroth, Jérôme Decock et Elsa Vermang) qui, ayant tous fait l’expérience de la construction, ont placé au coeur de leur rencontre l’objectif commun d’expérimenter de « nouvelles notions de l’espace » par une approche transdisciplinaire et collaborative qui questionne les transformations de l’architecture et des structures spatio-temporelles liées aux technologies numériques. Ces pratiques sont articulées par la notion de Metadesign, pour laquelle l’élaboration de méthodologies spécifiques à la structure hypermédia permet d’envisager la construction d’espaces en relation aux processus d’information, « l’architecture en tant que code » (cf. Liquid Space 360° et Software Space Engine). Le travail de Manuel Abendroth, comme artiste, porte donc sur l’écriture de codes-sources de programmes. Il y a là une revendication claire à la fois de responsabilité d’auteur et d’accomplissement suffisant pour faire acte d’un geste créateur qui s’actualise et se renouvelle dans une démarche collaborative : « Nous intéresse ensuite la rencontre avec d’autres artistes. Les codes sources sont notre création, ils sont aussi support, (…) d’une approche collaborative. Cela permet un croisement des regards et des approches.(…) Le méta design permet d’autres façons de réfléchir l’espace, pour nous à l’origine via l’hypertextualité. Réfléchir ou penser l’espace ne sont pas réservés à l’architecte, l’approche collaborative permet de penser l’espace avec par exemple des chorégraphes issus de la danse comporaine (cf www.thor.be) ou des artistes. »
Production, autonomie, indépendance
La fluidification des frontières esquissée plus haut libère un espace qui en tant que lieu à investir, à habiter constitue un second enjeu de notre réflexion. Elles le sont également dans une logique que nous qualifierons de verticale qui articule recherche, création et projet et les dimensions de la production, de la médiation et de la communication. L’exercice de l’architecture, parce qu’il est plus codifié, témoigne de moins d’interactions à ce titre. En revanche, la profession de designer industriel (quand elle est exercée de façon externe aux structures de l’entreprise) les pratique réellement. Marc Aurel, dans le cadre de la conception de luminaires pour l’espace public, juge nécessaire l’intégration d’un ingénieur au sein de l’agence et de mettre en oeuvre des logiciels selon les standards industriels dans l’objectif simple de maîtriser les processus de fabrication (épaisseurs des tubes, cerclages, fonctionnement des moules).
MA-Studio : gamme de luminaires pour Marseille, 2005-2007. Agence de design MA STUDIO, études et aménagements urbains / Mobiliers urbain / Mises en lumière.
Au sein de l’agence, une large part est donnée au travail collectif : M.A studio est une équipe pluridisciplinaire dont les compétences répondent à l’ensemble. Mais ce fonctionnement entraîne un déplacement de la charge de travail et de la responsabilité vers le domaine de la mise en oeuvre, une superposition de compétences de la conception vers la mise en œuvre qui s’accroît quotidiennement. Dans le même ordre d’idée, le procédé « file to factory » développé par Kas Oosterhuis consiste à transmettre vers l’entreprise fabricante un système de repérage et de commande numérique qui chaîne la production et le positionnement géométrique lors de la mise en oeuvre.
ONL, Rotterdam (Pays-Bas). Kaas Oosterhuis (Architecte) et Illona Lenhard (Plasticienne). Collaboration avec l’entreprise Meijers Staalbouw BV (charpente métallique) pour développer et mettre en œuvre le process de « file to factory ». Ce process est continu depuis l ’élaboration du modèle 3D paramétrique détaillé jusqu’à la fabrication des éléments constitutifs et leur positionnement sur le chantier.
ONL, Rotterdam (Pays-Bas). Kaas Oosterhuis (Architecte) et Illona Lenhard (Plasticienne)
Barrière accoustique et « cokpit » à Utrecht (Pays-Bas), 2004-2005
Cette rencontre, cette superposition sur un espace frontière,
re-trouvent une spécificité professionnelle, devenant un argument de
commercialisation jusqu’à la création d’une joint-venture entre les deux
structures. Cette capacité à habiter des frontières se re-trouve aussi
dans l’association (sous forme de joint-venture également) réalisée
entre le design-team de l’agence d’architecture Franck Gehry et l’agence
d’ingéniérie Ove Arup au travers du projet « virtual building »,
méthode englobant réalisation et gestion, proposée ensuite à d’autres
agences d’architecture, responsables de la conception de bâtiments de
grande taille ou de forte complexité programmatique.
Dans le cas de Lab[au], cette extension de « territoire » s’effectue par
la mise en place et la gestion de l’espace d’exposition du travail et
par le choix assumé des acteurs susceptibles de mettre en œuvre et
d’expérimenter, seuls ou en workshops, les principes des logiciels
élaborés. Il s’agit là clairement d’un rôle de « curateur », commissaire
d’exposition, voire de gestionnaire de centre d’art.
Avec une autre approche et un autre objectif, le travail de Monsieur
Faltazi met en perspective sous une forme ironique le cycle de
production des objets et leur recyclage en fin de vie.
Yves Weinant parle de « nouveaux procédés automatisés » stéréolithographie, poudres polymériques ou découpes laser (il s’agit de flux d’informations autorisées par la notion de fichiers partageables). Les expérimentations sont spécialement intéressantes en cela qu’elles chaînent vers le prototypage (dit rapide) de l’objet. Somme toute, le principe « file to consumer » de Monsieur Faltazi assume la commande industrielle couramment dénommée « one-to-one » et l’omniprésente éco-conception, et scénarise la pensée qui va de pair. Comme nous l’explique François Bazzoli (14), historien de l’art, comme le démontre Richard Monnier, les artistes, en poussant les innovations technologiques à effectuer ce pour quoi elles ne sont pas faites, nous éclairent mieux sur leurs statuts, leurs impacts, leurs possibilités, voire leurs dangers (15)
Bernar Venet : Autoportrait, 2003 – réalisé avec le professeur Rodolphe Gombergh, radiologue au CIMN à Paris et artiste
Peter Eisenman : House III – 1970 – Image issue de Techniques et architecture n°360, juin-juillet 1985 « expressionnisme et abstraction
Contexte et nature du projet : Frédéric Flamand
Le corps et les mouvements d’une danseuse allongée sur un rectangle
au sol sont projetés verticalement en temps réel en fond de scène,
superposés à une projection de film montrant un mouvement automobile sur
un périphérique urbain. (16) Ce dispositif scénographique, modifie le
contexte de perception d’une même danse (latéral depuis la salle sur la
danseuse, frontal en direction de la projection), en change donc la
nature. Cela appelle plusieurs questions : que devons-nous voir ? Les
différents états du support, physique, statique, versus animé, en
mouvement ? La danse comme un moment de spectacle, avec l’irruption de
l’ubicuité, être autre parce qu’ailleurs, une sorte de métaphore de
l’homme moderne ? Ou encore, plus légèrement, une mouche collée au
pare-brise, un agenda de pin-ups vivantes dans la cabine d’un routier ?
Par la mise en œuvre des technologies numériques, la démultiplication
des regards se superpose à celle des supports, des images et de leur
statut, des lieux et des territoires réels ou symboliques. Dans ce jeu
permanent d’allers-retours entre dé-contextualisation et
re-contextualisation, c’est l’enjeu du temps réel (17) au sein d’un
spectacle vivant qui se renouvelle en recomposant le rapport au visiteur
d’exposition dans un espace-temps à part.
Temps réel, temps décalé, Electronic Shadows et le visiteur-acteur
Un bassin d’eau rectangulaire avec la projection vidéo d’une eau
miroitante, un espace sur-élevé qui fait ponton ; lorsque le visiteur
monte sur ce ponton, une forme blanche, mi-spectre mi-silhouette de
nageur, est expulsée du bord et parcours le bassin dans sa longueur.
Nous sommes le nageur, ou nous aurions pu l’être, nous sommes le
déclencheur, celui qui expulse cette silhouette hybride. La projection
provient d’une seule source, un vidéo-projecteur relié à un ordinateur,
sans notre intervention – irruption, la narration tourne en boucle. Mais
nous constituons le corps étranger qui en modifiant, en perturbant,
prend part à l’histoire. Plus loin, une série de plans verticaux et
horizontaux présentent de manière discontinue l’espace d’une villa, en
bord de plage, avec piscine et rivage maritime. Une femme habite ces
lieux, parcours le séjour, bronze en bord de mer, contemple le paysage,
nage dans la piscine. Notre intervention libère un personnage masculin
qui entre en dialogue, qui accompagne ou ignore selon les moments le
personnage habitant.
Il a longtemps été question des rapports entre visiteur d’exposition,
regardeur, et les objets donnés à voir. L’expérience n’est pas nouvelle,
si ce n’est que dans le cas d’Electronic shadows, elle devient une
participation à une narration, à un récit. L’ancêtre de ces questions
d’interactions par le biais informatique est à notre connaissance
l’exposition « Les immatériaux » organisée par Jean-François Lyotard et
Thierry Chaput au Centre Georges Pompidou en 1984. Étaient abordées
plusieurs questions autour de la capacité du visiteur à faire irruption
et donc à modifier un processus qui se faisait sans lui et qui se fera
dorénavant autrement avec lui, sans pour autant lui accorder toutes les
clés de compréhension de « ce qui est en train de se jouer ». (18)
Electronic Shadow : Ex-îles, 2003. Hybridations entre espace et image
Naziha Nestahoui et Yacine Ait Kaci, respectivement architecte et
réalisateur, explorent depuis plusieurs années les rapports entre espace
construit, re-transcription dans l’espace de l’exposition (ou de la
danse)
Electronic shadow : H2O, 2004
Richard Monnier et la « programmation intersticielle ».
Une partie du travail de Richard Monnier pourrait être désigné
comme celui d’un « artiste programmeur ». Cette collision de termes
n’est intéressante que dans la mesure où elle se résout au-delà du fait
que les produits de son œuvre sont des programmes informatiques, au delà
du fait même (suffisamment courant aujourd’hui pour être dépassé) que
la convergence cognitive qui fait projet ici s’exécute non pas dans
l’association ou dans la complémentarité de deux individus mais
s’incarne dans une seule et même personne. L’artiste programmeur n’est
pas ici le résultat comptable de l’addition de deux entités qualifiées,
l’une et l’autre ne peuvent se ventiler autour d’un opérateur quelconque
qui signale la possibilité de les quantifier. En superposant jusqu’à
les confondre ces territoires, un peu comme à l’image d’une Carte de l’Empire, Richard
Monnier renverse les processus de représentation et les attendus de la
programmation informatique sur le mode du jeu, qu’il soit purement
ludique ou présumé didactique. Ainsi, dans Dessinez vous-même, qui
propose, au terme d’une interface implacable, de dessiner deux formes
pour en obtenir une troisième, l’hybridation est mise en scène dans le
renversement de la finalité du programme qui devient le lieu de
l’imprévisible.
De même, Mon ami Piero se présente comme un logiciel
d’apprentissage de la perspective. Son but n’est pas de produire des
formes, mais de faire comprendre, pas à pas, le principe des méthodes de
projection perspectiviste. On pourrait en rester là. Sauf que là où un
logiciel purement didactique serait programmé pour rejeter les images
qui n’appliquent pas strictement les règles de la perspective, celui-ci,
non seulement accepte de les représenter, mais se délecte de leurs
aberrations. C’est d’ailleurs l’erreur dans l’écriture d’un code de
calcul de dégradés de couleurs qui est à l’origine de Dégradés dégradés,
résultat d’un détournement de variable qui provoque plus de surprise
que ne l’aurait fait une fonction « random » par exemple.
L’enjeu du travail « informatique » de Richard Monnier se situe donc dans ces failles creusées par le glissement ou la collision de terrains aux méthodes, aux démarches de production, aux finalités différentes sinon contradictoires, dans ces « interstices » de la programmation comme lieux où se croisent, se rencontrent l’artiste et le programmeur pour faire œuvre.
Richard Monnier – “Mode d’emploi de Mon ami Piero”
1 – Faire glisser la souris sur tous les éléments du dessin : le point
et les lignes de fuites, la ligne de terre, la diagonale de la surface
vue en plan, la diagonale de la surface vue en perspective, l’étiquette «
Piero » et le cercle qui indique la hauteur de l’œil. A chaque passage
sur ces éléments doit s’afficher un texte descriptif. A la fin de ce
parcours s’affiche l’étiquette « tu peux cliquer ici ».Tout en
maintenant le bouton gauche de la souris appuyé tu peux changer la place
de l’œil par rapport au plan du dessin.
2 – Une fois la hauteur de l’œil réglée tu peux dessiner une figure en plan
3 – Le dessin en plan achevé tu peux cliquer sous l’étiquette « nouvelle
feuille » pour passer aux étapes suivantes. Ci-dessous jusqu’à
l’apparition de l’étiquette : élévation
4 – Continuer à cliquer sur la même étiquette pour voir toutes les
étapes de l’élévation. Une nouvelle fenêtre apparaît où des instructions
indiquent comment faire glisser le point de fuite et comment agir sur
les hauteurs.
5 – Pour créer un nouveau dessin, cliquer sur « nouvelle feuille »
Pour quitter, double cliquer sur « mon ami Piero »
Dégradé dégradé est un générateur de couleurs qui doit son
existence à une erreur de programmation. C’est en voulant créer un
dégradé simple que j’ai observé l’apparition inattendue de multiples
couleurs qui n‘avaient rien à voir avec ce que j‘attendais. Constatant
que cette perturbation, causée par une mauvaise utilisation d’un type de
variable, était très riche en événements imprévisibles (formation de
sortes de raies spectrales avec des zones noires de différentes
tailles), bien plus imprévisibles que si j’avais moi-même introduit une
fonction aléatoire dans mon programme, j‘ai décidé d‘en faire un
générateur de couleurs.
Les outils informatiques bénéficient généralement d’une réputation de
fiabilité et de maîtrise. Ce petit programme est une sorte
d’illustration de ma position en tant qu’artiste en face de cette
efficacité reconnue et attendue (19), il produit des dégradés qui se
dégradent et oriente l’attention sur une petite faille d’où s’échappe de
la variété, aussi gratuite et futile mais plus inattendue que les
mouvements d’un économiseur d‘écran.
En guise de synthèse, vue comme une étape provisoire
Comme nous avons tenté de le montrer à travers plusieurs situations, les champs afférents aux activités de création de l’architecte, du designer et de l’artiste évoluent. On pourrait être tenté d’associer cette évolution à l’irruption et l’actualisation permanente des outils numériques, en cela qu’ils sont toujours présents dans ces évolutions. Pour autant, lorsque nous repérons des compétences complémentaires, lorsque des artistes deviennent commissaires d’expositions où le travail est hybride par exemple, c’est bien parce que les infrastructures sont insuffisantes ou pas suffisamment réactives et pas du fait des-dites technologies. Dans bien des cas de figure, la question contient dans sa formulation les limites des éventuelles réponses. En effet, la somme d’expériences singulières invalide à priori les généralisations. Nous sommes ici dans la situation de celui qui écoute les « signaux faibles », c’est-à-dire qu’un signal ne vaut pas, ne vaut peut-être plus s’il est majoritaire. Parce que les évolutions à venir nous intéressent, les précurseurs ne sont jamais majoritaires, et ce serait une erreur de les éliminer du tableau pour cause de non représentativité.
Bien-sûr, affirmer que travailler avec les autres rend plus conscient
de son propre champs d’investigation, de son propre et spécifique
territoire professionnel, est une forme de banalité. Pour autant,
l’accès facile et efficace à des moyens de communication offre des
possibilités accrues de coopération, d’ingénierie concourrente,
c’est-à-dire de situations de collaborations entre acteurs
complémentaires mises en place par projet. Cette possibilité ajoute à
l’inter-action et nous laisse penser que « l’utopie » des années
soixante-dix qui visait à former des généralistes du cadre de vie
supposés combler des fossés entre disciplines et apporter un regard
systémique a vécu. L’exemple de la formation dual-design organisée entre
l’école des beaux-arts et l’école d’ingénieurs de Saint-Étienne est
instituée sur la base d’étudiants issus des deux formations et pour
lesquels l’enjeu est de rester dans son domaine d’origine en recevant en
forme de valeur ajoutée une aptitude à communiquer dans le cadre de
duos. Elle fait image pour nous.
Quelques indices nous poussent à aller au-delà de ces rencontres, de ces
coopérations, de ces situations de projet collectives. Le groupe
Lab[AU] se situe un peu au delà, ou à coté en cela que ses membres
revendiquent une attitude intitulée méta-design, parce qu’ils écrivent
une syntaxe intermédiaire, syntaxe qu’ils qualifient de travail à part
entière. Il en va peut-être de même pour Richard Monnier et ce que nous
avons qualifié de « programmation intersticielle ». Nous estimons qu’il y
a là, du moins dans ces deux cas, une aptitude à habiter les limites.
Chris Younes (20) rappelle la différence essentielle entre bornes et
frontières. « Aussi bien les limites que les bornes sont des frontières,
mais la différence entre elles revient à ceci : tandis que les bornes
sont des frontières négatives (Kant dit « négations »), les limites sont
pourrait-on dire des frontières positives. ..Les frontières négatives
défendent un territoire, tandis que les limites, ou frontières
positives, indiquent qu’elles déterminent du même coup un espace et un
autre qui lui est adjacent. » Dans ce sens-là, nous pouvons estimer que
de nouvelles attitudes se font jour, qui s’installent non pas dans
l’entre deux mais dans l’un et l’autre, qui pour être plus précis, dans
leur positionnement même rappellent et renforce la légitimité et la
présence opératoire de l’un et l’autre.
Lab[AU] : espace d’expérimentations collectives
Laboratoire Hyperbody Recherch Center – Directeur Kas Oosterhuis – Université de Delft, Pays-Bas
Nos futures étapes
Cette première synthèse issue du panorama des contributions et des
expériences toujours singulières recueillies lors de cette séquence de
travail nous permet de définir une nouvelle étape pour laquelle nous
distinguons deux axes d’appronfondissement.
La multiplicité des statuts, des usages et des fonctions des
technologies numériques au sein des processus transdisciplinaires révèle
une complexité qui fait question. Il convient dans un premier temps
d’en identifier, d’un point de vue global, les invariants et les
singularités, les modalités de mise en œuvre, d’en préciser l’impact sur
les nouvelles compétences mobilisées par les créateurs comme au niveau
de la cohérence avec des signaux faibles (opérations chirurgicales par
exemple), identifier les enjeux, dans le cas des artistes, qui se nouent
entre un usage exogène (en tant qu’outil) et un usage endogène (en tant
que médium). Ces technologies rendent en outre nécessaire d’ouvrir la
réflexion sur la mise en œuvre de plate-formes d’échange en réseau et de
travail à distance par :
– l’usage et une analyse du retour d’expérience de l’usage d’outils collaboratifs de type « web 2.0 » (wikis, blogs, CMS (21));
– une mise en perspective d’expériences issues de processus
collaboratifs relayés par des dispositifs de téléprésence de plus en
plus « incarnés » (visioconférences, dispositifs de réalité augmentée en
réseau) qui permettent « d’expérimenter l’actuel et non plus d’en
reproduire de simples traces »(22)
Il est à notre sens nécessaire maintenant de définir les modalités
d’un enseignement hybride, qui fonctionne par frottements. Comme nous
l’avons listé plus haut, nous avons pu expérimenter plusieurs situations
pédagogiques mises en place, nous avons également pu rencontrer des
situations (mastère dual-design par exemple) qui font référence pour
nous. La notion de frottements regroupe tout à la fois le contact avec
l’autre et cette expérience positive de la limite. Elle abonde
positivement cette géographie complexe des exercices professionnels en
cours de constitution et offre sans doute l’occasion d’expérimenter les
méthodes complexes d’élaborations des projets que nous qualifions
d’heuristique et itératives.
L’univers numérique impose en outre de considérer la dialectique entre
l’enseignement par projets et les apprentissages sous un angle un peu
nouveau. Dans la mesure où il ne relève pas seulement d’un
apprentissage, il questionne également les enjeux pédagogiques. Il
convient maintenant d’apprendre à « remonter d’un cran » pour dépasser
l’apprentisage du logiciel au profit d’une « strate méta »
(programmation notamment). Le risque sinon est de rester dans l’usage
d’un objet qui est une « boite noire » (23) et oublier que l’ordinateur
n’est pas un outil mais un univers. (24)
Image “HRC-1.jpg”
Laboratoire Hyperbody Recherch Center – Directeur Kas Oosterhuis – Université de Delft, Pays-Bas »
Fabio Gramazio et Mathias Kohler : Mur de briques. Laboratoire de fabrication robotisée dFab de l’Ecole Polytechnique de Zurich.
Copyright (c) 2007 Frédérique Entrialgo et Ronan Kerdreux.
Permission est accordée de copier, distribuer et/ou modifier ce document
selon les termes de la Licence de Documentation Libre GNU (GNU Free
Documentation License), version 1.1 ou toute version ultérieure publiée
parla Free Software Foundation.
Sources des illustrations
Les illustrations reproduites dans ce document sont toutes de l’ordre du domaine public. La plupart d’entre elles ont été fournies par les intervenants des séminaires et concernent leur propre travail. Lorsque ce n’est pas le cas, elles ont été prises sur des sites ou au sein d’ouvrages pour lesquels nous avons considéré qu’il s’agissait de citations ou d’illustrations. Les sources en sont indiquées ci-dessous, chaque fois que nous en avons eu connaissance. Si par mégarde de notre part, la reproduction de certains documents posait problème à leur propriétaire ou ayant droits, nous nous en excusons d’avance et ne manquerons pas de rectifier sitôt qu’on nous en aura fait part.
Notes référencées dans le texte :
1- Situation vécue au cours du workshop « bateau-bus » organisé par
Stéphane Hanrot dont la seconde édition à eu lieu en janvier 2007 à
l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Marseille.
2- Trois éléments dont les objets emblématiques pourraient être la
visio-conférence, le téléphone portable et le répondeur-enregistreur.
3- Nous appelons provisoirement « identité sociale » la représentation
collective usuelle qui est faite d’une profession et l’association
opérée entre cette profession et les objets matériels, bâtiments,
mobilier… qu’elle est sensée produire, ou pour la production desquels
elle est considérée comme légitime.
4- Le mot objet mérite quelques explications. Lorsque nous l’employons,
dans ce texte en particulier, il renvoie à son sens d’idée, de
conception du monde physique, de projet en somme et pas comme une simple
entité de ce monde physique, un bâtiment ou un meuble par exemple.
5- François Ascher : « les nouveaux principes de l’urbanisme », éditions de l’Aube, 2001.
6- Notes prises au cours des entretiens avec Kas Oosterhuis à Delft et Rotterdam les 5 et 6 septembre 2006
7- Cela est sans doute à mettre en relation avec la capacité des lieux
construits à être réhabilités, ré-appropriés, à changer de programme
plusieurs fois dans la durée de vie de l’édifice, et à notre sens
également avec les constructions inscrites dans une logique industrielle
peut-être un peu désuette, nous pensons là aux installations
portuaires, susceptibles de démontages permanents, de déplacements,
comme les éléments d’une chaîne de production, ou les usines exportées
clés-en-main.<
8- Pour autant, ce n’est pas l’outil employé qui valide la
proposition mais son époque et la capacité de la proposition à articuler
des besoins et des désirs (hétérogènes) à un moment où ils sont
contemporains – questions liées à l’actualité des propositions.
9- Notes prises au cours des entretiens effectués à Bruxelles en mai
2005 et à Marseille les 17 et 18 janvier 2006 avec Manuel Abendroth,
groupe Lab[AU]
10- Voir à ce propos Alain Grumbach : l’oeuvre et son créateur, in
Conférence virtuelle art et cognition, qui s’est déroulée de novembre
2002 à février 2003 (www.interdiscipline.org/artcog/papers que nous
avons consulté en juin 2006). L’auteur décrit la création collective
interactive comme la coopération entre plusieurs participants,
concepteur ou auteur, réalisateur ou développeur de l’outil
informatique, coordinateur en charge de la gestion du processus de
création, les observateurs non acteurs et les acteurs pouvant être des
spectateurs ou visiteurs. Il mentionne à partir de cette observation une
évolution du processus de création artistique sur les plans des
contenus et des participants.
11- MA-studio, Cassis. Intervention de Marc Aurel en mars 2005 à Tunis
lors du premier séminaire organisé par insARTis dont une synthèse est
disponible dans les actes de ce séminaire et de Jean-François Ragaru,
chef d’agence, le 29 mars à Marseille dans le cadre du second séminaire
d’insARTis dont les actes sont en cours de compilation.
12- Voir www.monsieurfaltazi.com, Marie Lechner : Design / Délires sur mesure in « les tentations de Libération » n°16, octobre 2001, Pierre Bouvier : Monsieur Faltazi : l’imagination en 3D in « le Monde interactif » du mercredi 23 avril 2001
13- Yves Weinant, « projeter ensemble », intervention en mars 2005 à
Tunis lors du premier séminaire organisé par insARTis dont une synthèse
est disponible dans les actes de ce séminaire
14- François Bazzoli : art et technologie, conférence à
l’occasion du troisième séminaire d’insARTis le 8 décembre 2006 à
Marseille publié dans les actes des séminaires de l’année 2006 en cours
de compilation
15- Cette attitude trouve sans doute un ancrage « historique » en ce qui
concerne l’utilisation des outils numériques de visualisation avec la
série de Houses et plus particulièrement house el even odd,
1980, de Peter Eiseman. « Les outils de représentations »
(l’axonométrie en l’occurrence) sont mobilisés pour ce à quoi ils ne
servent pas, produire un plan. On a parlé à ce propos « d’impertinence
dans le recours à un outil dans un champs qui lui est inadapté ». Voir à
ce propos le numéro d’Architecture d’Aujourd’hui intitulé « abstraction
et figuration » date
16- Spectacle « Métapolis » de Frédéric Flamand, avec la collaboration de Zaha Hadid, remonté à Marseille en juillet 2006>
17- Nous utilisons ici le terme de temps réel, dans l’acceptation
« souple » du terme, par opposition au temps réel strict (hard
real-time) qui ne tolère aucun dépassement des contraintes de temps ou
de délai, ce qui est souvent le cas lorsque de tels dépassements peuvent
conduire à des situations critiques, voire catastrophiques : pilote
automatique d’avion, système de surveillance de centrale nucléaire, etc.
À l’inverse le temps réel souple s’accommode de dépassements des
contraintes temporelles dans certaines limites au-delà desquelles le
système devient inutilisable : visioconférence, jeux en réseau, etc.
Pour autant, certains domaines comme la neuro-navigation en assistance
de certaines opération chirurgicales peut selon la nature des tissus
concernés (tissus immobiles ou mobiles) s’accommoder d’informations en
temps décalé ou en temps réel calibrées par rapport à l’acte. Voir à ce
propos Sandrine Cabut, Chirurgie en 3D, in Libération du samedi 8 octobre 2005.
18- Voir également le travail de l’artiste Marie Sester sur les critères
de sélections injustes et sur les interactions à distance et celui de
Miguel Chevalier sur les interactions entre objets modélisés et passants
– Présentation de ce travail dans le cadre du second séminaire
d’insARTis à Marseille en mars 2006
19- voir à ce propos le pantographe désaxé (qui est une règle
qui se dérègle) ou aussi bien le ‘logiciel de dessin’ qui introduit un
élément parasite quand l’utilisateur dessine.
20- Chris Younes : >limites et convergences, tiré à part dans le cadre de la recherche menée sur la thématique art, architecture et paysage, laboratoire Gerφau et intervention en mars 2005 à Tunis lors du premier séminaire organisé par insARTis
21- Content Management System
22- Jean-Louis Weissberg, Présences à distances. Déplacements virtuels et réseaux numériques : pourquoi nous ne croyons plus à la télévision, L’harmattan, 2002.
23- En design, la boite noire est une métaphore utilisée pour décrire la
situation où un utilisateur déclenche une action (par le biais d’un
commutateur) dont le résultat apparaît à l’issu d’un processus invisible
et incompréhensible. On considère alors que cet utilisateur n’est pas
suffisamment informé pour comprendre intelligiblement ce qu’il met en
oeuvre.
24- On pense immédiatement à l’univers pluriel de l’ordinateur, à tout
ce qui non seulement communique par lui mais également engage dans des
pratiques instrumentales où « l’usager » devient amateur et rejoint, à
un degré de maîtrise évidemment moindre, le créateur. Une certaine
réinvention du monde serait ainsi en route, par addition de pratiques
partagées à tous les échelons de compétence et même par addition
d’instruments puisque ces pratiques débouchent continûment sur des
interfaces qui sont autant d’outils inédits de la fabrication d’un sens
commun et de la composition d’un être-ensemble. » Claude Eveno, in appel à projets de recherche de la Direction des Arts Plastiques, Ministère de la Culture et de la Communication, 2006insartispédagogie